Au cours de notre balade à Aghios Stefanos, je suis entrée dans la petite maison de Victoria, la tante de mon guide.

Là, sur la cheminée et sous les yeux gris-bleu incroyablement pétillants de la dame, trône une série de photos familiales en noir et blanc.

Sur presque toutes, un visage déformé se détache.

Le grand oncle de Nonda était lépreux.

Et tous ses descendants, dont Epaminondas qui porte son nom, sont fiers du travail qu’il a accompli pour cette communauté.

Il fut un des derniers à quitter l’île où le gouvernement de l’époque avait relégué les malades.

Et n’a cessé ensuite de se battre pour faire reconnaître en haut-lieu le droit à la différence.

Ainsi ai-je appris que face aux paradis touristiques d’Elounda Beach, des hommes et des femmes marqués par la maladie avaient vécu eux aussi en "all inclusive", d’un autre genre...

La léproserie fut installée dans la forteresse vénitienne de Spinalonga au début du XXe siècle.

Et fermée officiellement en 1957.

Son dernier habitant en fut un prêtre solitaire jusqu’en 1962, chargé, selon le rite orthodoxe, de célébrer les anniversaires des disparus jusqu’à cinq ans après leur mort.

L’île est aujourd’hui déserte mais reste un lieu d’excursion très fréquenté l’été.

Un récent best seller de Victoria Hislop, The Island (à mettre absolument dans les carnets de voyage pour la Crète), a pris Spinalonga comme décor d’une saga familiale crétoise.

Telle celle de mon camarade qui ne se sépare jamais d’un dossier, vert comme son pick-up, contenant toutes les photos et papiers officiels de son grand oncle.

Le mot du jour, ikoguénia, la famille, sans laquelle un Crétois n’est pas lui-même.

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