Rappel : le mot « sahel » signifie en langue arabe « littoral ». En Tunisie, il désigne une région du littoral qui, contrairement à son homologue de l’ouest africain réputée pour son dénuement extrême, est synonyme d’abondance et de prospérité.
Cette région qui couvre une superficie de 5.488,62 km² et compte environ 1,400 million d’habitants constitue le « ventre » du pays, tant de par sa silhouette sur la carte que par le volume et la variété de sa production, pendant des millénaires essentiellement agricole avant de connaître, depuis près d’un demi-siècle, une très profonde mutation. L’agriculture, essentiellement basée sur la culture de l’olivier et de ses dérivés ainsi que sur les maraîchages et les produits de la mer, a été reléguée à l’arrière-plan, le Sahel étant devenu une zone hautement industrialisée et de services grâce notamment au développement fulgurant du tourisme.
Le Sahel est un véritable plat pays parsemé de lagunes (sebkhas).La configuration de son terrain en a fait une cible de choix pour tous les conquérant s qui sillonnaient la Méditerranée. C’est un pays de vieille civilisation. La première cité de l’ère historique en Tunisie y a été fondée au XII° s avant J.C. C’était le premier comptoir phénicien en terre africaine et qui avait pour nom Hadrumetum (l’actuelle Sousse). Les ports allaient très vite s’égrener sur cette côte et l’arrière-pays sera conquis par l’olivier qui va en constituer la principale richesse. L’huile d’olive sera exportée partout en Méditerranée et même jusqu’en Angleterre. Corolaire de cette prospérité : une forte occupation humaine et une densification urbaine rarement atteinte ailleurs. Pratiquement, toutes les localités actuelles ont été érigées à l’emplacement de cités antiques dont des vestiges affleurent souvent dans les cours des maisons ou dans les jardins et potagers. Au fil des siècles, certaines se sont amarrées plus solidement que d’autres à des traditions architecturales qui leur donnent aujourd’hui leur cachet si spécifique. Ainsi en est-il de Takrouna (architecture berbère), des médinas de Sousse, Monastir ou Mahdia (style médiéval arabe), de Hergla ou Lamta (bougs de pêcheurs et d’agriculteurs).
Ainsi, de la préhistoire à l’époque moderne, on retrouve à chaque pas des traces juxtaposées, souvent superposées et qui font toute la richesse du patrimoine civilisationnel de la région. Des nécropoles libyques au village néocolonial d’Enfidha, en passant par les carrières punique de Réjiche, le Colisée romain d’El Jem, les vestiges de Justinianapolis (autre appellation de Sousse à l’époque byzantine), les ribats de Sousse et de Monastir, la Kasbah de Lamta, la porte monumentale « normande » de Mahdia, la place de la Grande Mosquée hilalienne de Ksour Essaf, l’Histoire se déroule comme un fil ininterrompu pour parcourir siècles et millénaires.
A côté, donc, de ses richesses naturelles (agriculture et pêche), le Sahel tient cet autre gisement qu’est l’histoire qui lui légué un patrimoine multiforme, urbain, architectural, mais aussi artisanal que reflète un très bel artisanat du tissage qui a fait la réputation de la région. Celle-ci s’est spécialisée dans le tissage de la laine et de la soie pour donner de somptueuses tenues féminines que rehausse un superbe assortiment de bijoux issus des ateliers d’artisans bijoutiers de haute volée.
Reste que la principale richesse de la région est d’abord humaine. Population laborieuse et avisée, celle du Sahel a très tôt investit dans l’éducation de ses enfants qui, à leur tour, ont saisi l’opportunité qu’il y avait à être au diapason de son temps. C’est ainsi que, très tôt la région a misé sur les industries modernes, textile, mécanique, électrique et autres, mais aussi tourisme. Dès l’aube des années 60 elle investissait ce domaine, construisant des hôtels en ville avant que l’Etat ne mette en œuvre un plan de développement touristique basé sur des idées à l’époque novatrices, des zones touristiques dotées de tous les équipements avec ce projet pionnier de « port-jardin » d’El Kantaoui. Aujourd’hui, de Yasmine-Hammamet jusqu’à El Ghadhabna, un cordon quasi ininterrompu de stations balnéaire borde la côte sahélienne. Il est, assurément, le mieux doté de Tunisie en produits de toutes sortes pour satisfaire tout l’éventail de clientèles nationales et internationales. Du casino à l’excursion en mer.
Pour explorer toutes ces ressources, il n’y a que l’embarras du choix entre tous les moyens de locomotion, tous les opérateurs qui organisent circuits et excursions, tous les produits qui vont de la nature (terre et mer, y compris pour aller aux îles Kuriat), à la culture en « conserve » (sites, monuments, musées) ou vivante par l’intermédiation de ses promoteurs (centres culturels, galeries d’art, musées publics et privés, parcs naturels, manifestations spirituelles ou folkloriques, marchés de plein air et foires, ateliers de démonstrations artisanales tels ceux du tissage à Lamta ou ceux qui fabriquent des tableau en mosaïques à l’ancienne et dont El Jem s’est fait une spécialité, etc.)
Débordant d’activités, le Sahel en arrive à empiéter sur le patrimoine nature. Les constructions à l’horizontale finissent par grignoter les plantations d’oliviers et les tâches blanches du bâti en arrivent à se toucher les unes les autres au point de transformer progressivement cette campagne qui fut si belle de luxuriance et de verdure en véritable peau de léopard. Le littoral, pour sa part subit une pression qui approche dangereusement du seuil de tolérance annonciateur de dégâts irréversibles. Le Sahel est, en quelque sorte, victime de son propre succès et l’heure a sonné pour procéder à quelques révisions. Qui ne sont pas hors de portée d’une population si éclairée, si imaginative.
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