Ertugrul Günay, ministre turc de la culture et du Tourisme : «Le tourisme ne peut se développer que dans une atmosphère de respect de toutes les croyances»
Publié le mardi 24 avril 2012
lu 13766 fois
Ertugrul Günay, ministre turc de la culture et du Tourisme : «Le tourisme ne peut se développer que dans une atmosphère de respect de toutes les croyances»
Bien qu’elle n’ait commencé à s’intéresser au tourisme qu’à partir du milieu des années 80, la Turquie se positionne désormais comme l’une des destinations phares de la Méditerranée. En 2011, le pays gouverné par un parti islamo-conservateur a attiré plus de 31 millions de touristes. « Tourismag » a profité de la participation du ministre turc du Tourisme, Ertugrul Günay, à une conférence sur « l’Avenir du tourisme méditerranéen » tenue récemment à Djerba pour tenter de lever un coin du voile sur les secrets du décollage rapide de l’industrie touristique turque. Entretien…
Tourismag : Quelle est d’après vous le secret de réussite du tourisme en Turquie ?
Ertugrul Günay : Depuis 25 ans, nous accordons une importance particulière et déployons des efforts colossaux pour le développement du tourisme en Turquie. Nous sommes parvenus à réaliser de bons résultats grâce à une étroite collaboration avec le secteur privé.
Il y a deux points essentiels sur les quels nous nous sommes basés : la qualité de nos prestations et la politique de prix. En effet, nos tarifs ne sont ni trop élevés ni trop bas.
Par ailleurs, nous comptons sur notre situation géographique qui est très favorable au développement de l’industrie du tourisme. Nous sommes, en effet, très proche de l’Europe, avec un climat plus doux.
Aujourd’hui nous commençons de nous ouvrir vers de nouveaux marchés, comme l’inde la Chine et le Sud de l’Amérique.
Depuis qu’on a commencé dans ce secteur nous avons mis l’accent sur un développement durable de notre tourisme qui passe essentiellement par la diversification de notre offre touristique. La Turquie est dotée d’une histoire riche, ses aspects culturels sont variés et nous veillons à mettre en valeur nos acquis et notamment à la protection de l’environnement.
Comment arrivez-vous à concilier entre un gouvernement islamiste et un tourisme aussi ouvert et tolérant ?
En Turquie il n’y a pas un gouvernement islamiste mais plutôt un gouvernement tôlèrent et démocrate et qui essaye d’avoir une vision égale vis-à-vis de toutes les cultures, valeurs et religions. Il ne faut pas oublier que notre constitution prévoit que la Turquie est un pays démocratique et laïc. Notre gouvernement respecte ces principes sur le terrain. La plupart de notre peuple est musulman et nous respectons leur croyance mais en même temps dans notre pays nous avons des monuments judéo-chrétiens et nous faisons tout pour respecter au mieux ces valeurs.
Il existe aussi dans notre pays, des monuments païens que nous préservons et respectons. Depuis qu’on est au pouvoir on a ouvert plusieurs monuments chrétiens notamment des églises telles que la maison de Saint Nicolas à Demre, Saint Meta à Trabzon, Ahtamar à Van. D’autres monuments spécifiques à d’autres cultes ont été, par ailleurs, rouverts ou restaurés.
Bref,
On a bien compris que le tourisme ne peut se développer que dans une atmosphère de tolérance et de respect de toutes les cultures et toutes les croyances.
Pouvez-vous éclairer notre lanterne sur la stratégie de la destination Turquie à l’international et en particulier en Tunisie?
Nous croyons sincèrement que le tourisme ne peut se développer que dans une atmosphère pacifique. La paix aussi bien dans notre pays et dans le monde entier est une condition sine qua non pour le développement de l’industrie touristique. La démocratie et le développement économique sont aussi très importants. Il faudrait, dans ce contexte, intensifier la coopération surtout avec des pays proches tels que la Tunisie, la Grèce ou l’Egypte pour drainer des touristes des contrées lointaines comme l’Amérique ou l’Asie et créer des voyages combinés.
Sur un autre plan, nous pensons qu’il est aujourd’hui impératif de se pencher sur le tourisme durable, et veiller à la protection de l’environnement, à la protection du « bleu » et du « vert »..
Depuis la révolution tunisienne, c’est la troisième fois que nous venons ici. Nous avons déjà signé des conventions concernant la formation, la qualité des services et l’artisanat. Et aujourd’hui on est venu accompagnés de grands investisseurs turcs qui sont aussi dans le secteur du tourisme et propriétaires d’agences de voyages. Leur but c’est d’investir pour le développement du tourisme tunisien. Nous avons la volonté de créer des marchés communs avec la Tunisie. Il s’agit surtout de marchés lointains.
Quant au marché turc, en Tunisie vous recevez 5 mille turcs par an contre 60 mille Tunisiens qui viennent chez nous chaque année. Nous avons 10 millions de tucs qui partent chaque année en vacances. Les turcs ont beaucoup de sympathie pour la Tunisie. Dans certains villages turcs, il y a mêmes des gens originaires de la Tunisie. La tombe de Hannibal se trouve chez nous et notre peuple le considère comme Turc… Le prénom Hannibal est même utilisé chez nous (sourire…). Nous avons beaucoup de points en commun : nos histoires, nos drapeaux sont presque identiques. Il est donc très facile que la Tunisie fasse venir plus de touristes turcs. Le potentiel du marché turc peut atteindre 100 mille touristes, à condition de faire le nécessaire en matière de promotion. Beaucoup d’hommes d’affaires turc travaillent déjà sur la Tunisie et pourrait y avoir d’autres.
Dès que la stabilité politique et démocratique s’installera en Tunisie, la coopération entre les deux pays ira crescendo….
Propos recueillis par Donia Hamouda